Gabapentine

15 juillet 2020
La gabapentine est devenue en quelques années un antalgique
incontournable pour la prise en charge des douleurs neuropathiques
et mixtes du chien et du chat.

La gabapentine est un antiépileptique, analogue de l’acide γ-aminobutyrique (GABA), principal neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central chez les mammifères.

Elle a été initialement développée et commercialisée en médecine humaine pour traiter  les épilepsies partielles avec ou sans généralisation secondaire.

Son efficacité dans le traitement des douleurs neuropathiques a été rapportée pour la première fois en 1996 dans une observation ouverte non contrôlée de suivi de patients souffrant de douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies usuelles (1).

Par la suite, certains auteurs ont rapporté un effet bénéfique chez des patientes atteintes de ciguatera, une neurotoxine présente dans certains poissons des mers chaudes provoquant essentiellement des atteintes du système nerveux périphérique et particulièrement réfractaire aux antalgiques classiques (2).

L’efficacité de la gabapentine est depuis confirmée par de larges études multicentriques (3). 

Les recommandations 2019 conjointes de la Société Française de Neurologie et de la Société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur placent la gabapentine comme antalgique de 1ère ligne pour la neuropathie douloureuse diabétique, post-herpétique, la neuroborréliose et les douleurs neuropathiques cancéreuses.

La gabapentine a l’avantage d’avoir une marge thérapeutique large, d’être faiblement métabolisée par le foie et ainsi de peu interférer avec le métabolisme d’autres médicaments, ce qui constitue un critère essentiel de sécurité en cas de comorbidités et de polyprescription.

La gabapentine se fixe sur les sous-unités α2δ des canaux calciques voltage-dépendants.

Elle diminue l’entrée de calcium dans les cellules de Purkinje (neurones inhibiteurs GABAergiques du cervelet), à l’arborescence dendritique foisonnante et particulièrement interconnectée avec la matrice douloureuse corticale et le tronc cérébral.

La réduction de l’excitabilité neuronale est obtenue par la chute de la libération des acides aminés excitateurs (glutamate et substance P).

Il existe une synergie complexe d’actions entre le blocage de ces canaux calciques voltage-dépendants, l’atténuation de l’électrogenèse ectopique au niveau des lésions nerveuses, l’élévation modérée des concentrations synaptiques du Gaba et l’antagonisme des récepteurs au glutamate AMPA  et NMDA.

La gabapentine est prescrite en médecine vétérinaire à la dose de 5 à 10 mg/kg, deux ou trois fois par jour, pour la prise en charge des douleurs neuropathiques.

Les recommandations anglo-saxonnes sont plus élevées (10 à 20 mg/kg TID) mais occasionnent trop de somnolence sans pour autant améliorer l’efficacité (4). En effet l’efficacité ne semble pas corrélée avec l’utilisation de fortes doses car la concentration plasmatique maximale obtenue n’est pas proportionnelle à la dose administrée (diminution de biodisponibilité liée à l’augmentation de celle-ci). En revanche, les effets secondaires (sédation excessive, ataxie, prise de poids) sont clairement majorés.

La posologie doit être individuelle et elle est à adapter en augmentant progressivement la dose pour rechercher la meilleure efficacité tout en évitant une sédation excessive.

Il est d’usage de stabiliser l’animal (plusieurs semaines) avant d’envisager de le sevrer en diminuant les doses (paliers de quart de dose).
Les effets secondaires digestifs (vomissements et diarrhée) sont rares et il n’y a pas de contre-indication à son emploi.
En cas d’inefficacité, la gabapentine peut être associée aux antidépresseurs tricycliques (clomipramine).

La gabapentine présente une action anti-hyperalgésique et corrige donc la sensibilisation sensorielle chez le chat à la dose de 10 mg/kg TID (5).

La gabapentine a montré un intérêt équivalent à  la mirtazapine dans la reprise de l’alimentation en période post-opératoire chez le chat sain (6). Cet effet orexigène comparable a été récemment confirmé dans une étude de Fantinati, menée en double aveugle et portant sur 60 chattes ovariectomisées (7). Cette propriété est d’autant plus importante  dans cette espèce incapable d’épargner l’azote et de s’adapter à un apport protéique diminué.

Les bénéfices attendus sont donc d’éviter un jeûne prolongé toujours préjudiciable et d’offrir une analgésie multimodale en complément des morphiniques.

Enfin la gabapentine peut être utilisée pour le transport et l’examen clinique des chats stressés et difficiles à manipuler : Une dose de 100 mg, administrée par voie orale 90 mn avant le transfert à la clinique permet une réduction significative du stress du transport et de l’examen ainsi que des niveaux d’agressivité. Le pic d’activité est constaté 2 à 3 heures après l’administration malgré quelques variations individuelles (8).

 

Conclusion

La gabapentine est devenue en quelques années un antalgique incontournable pour la prise en charge des douleurs neuropathiques et mixtes du chien et du chat.

La pharmacodynamie et la pharmacocinétique de la gabapentine sont particulièrement favorables.

Les observations cliniques et notre enquête de pratiques de prescription (https://fr.surveymonkey.com/stories/SM-XMRXWVCD/) confirment les potentialités de cette molécule au sein d’un projet thérapeutique global individualisé et d’un parcours de soins de l’animal douloureux.

Pour aller plus loin

Webinaire Episode 2 :
La gabapentine Pharmacologie de la douleur : de la molécule aux cas cliniques
Retrouvez le webinaire et le PDF de l’intervention dans l’espace adhérent
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Dossier sur la plateforme adhérent : Recommandations pour la prise en charge des douleurs neuropathiques en médecine vétérinaire :

(1). Rosner H, et al. Gabapentin adjunctive therapy in neuropathic pain states. Clin J Pain 1996 ; 12 : 56-8.

(2). Perez CM, et al. Treatment of ciguatera poisoning with gabapentin. N Engl J Med. 2001 ; 344 : 692-3.

(3). Moisset X, et al. Pharmacological and non-pharmacological treatments for neuropathic pain: Systematic review and French recommendations. Revue neurologique (2020)

(4). Moore S (2016) Managing neuropathic pain in dogs. Front VetSci 3:12 (Published online 2016 Feb 22)

(5). Klinck MP et al. 2017 : Refinement of the Montreal  Instrument for Cat Arthritis Testing, for Use by Veterinarians: detection of naturally occurring osteoarthritis  in laboratory cats

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