Effets physiologiques et comportementaux
de la buprénorphine à action prolongée
par voie sous-cutanée et transdermique
chez le rat
Résumé réalisé par le Dr Vet. Charly Pignon pour CAPdouleur – Juillet 2025
Introduction
La buprénorphine est un opioïde semi-synthétique de référence pour le traitement de la douleur légère à modérée chez les rongeurs, notamment le rat. Cependant, sa courte durée d’action, nécessitant des administrations fréquentes par voie sous-cutanée, expose l’animal à un stress additionnel en raison des manipulations répétées. L’émergence de formulations à effet prolongé, telles que la buprénorphine à libération retardée administrée en sous-cutané (SB) ou la préparation transdermique (TB), représente un progrès majeur pour limiter ces manipulations et améliorer l’observance. Malgré ces avantages, les effets secondaires, incluant diminution de la motilité gastrointestinale, troubles du comportement et modification de la thermorégulation, reste sous-exploré chez le rat. Cette étude vise à comparer les effets physiologiques (notamment l’analgésie, la prise alimentaire, la motilité digestive et la température corporelle) et comportementaux (sédation, comportements d’automutilation) de ces deux nouvelles formulations longue action, par rapport à un contrôle, sur une période de 72 heures.
Matériel et méthodes
L’expérimentation a été réalisée sur huit rats adultes mâles de souche Sprague-Dawley, et randomisés recevant, selon un plan croisé, trois traitements : SB (Ethiqa XR ; 0,65 mg/kg SC), TB (Zorbium ; 10 mg/kg en cutané direct), ou un contrôle (solution excipient adaptée à chaque forme galénique). Après une période d’acclimatation, chaque animal a fait l’objet d’un suivi avec 21 jours de wash-out entre chaque séquence. Ont été mesurés à 1, 4, 8, 12, 24, 48 et 72 heures post-application : température corporelle (puce sous-cutanée), scores de sédation et d’automutilation, prise alimentaire, ingestion de kaolin (modèle d’évaluation du pica), production fécale et latence de retrait au stimulus thermique (test de Hargreaves). L’appétit et la coprophagie ont été déterminés par rapport au poids et comparés aux valeurs de base recueillies 48 heures avant le début du traitement. L’ensemble des mesures a été analysé statistiquement, en modèles linéaires mixtes pour variables continues et ANOVA pour les scores, avec un seuil de significativité de p ≤ 0,05.
Résultats
Dans cette cohorte, l’administration de TB et SB a significativement prolongé la latence de retrait au stimulus thermique entre 1 et 8 heures pour TB, indiquant un effet antinociceptif transitoire marqué, durant 7 heures. Le score d’automutilation a augmenté nettement de 1 à 12 heures avec TB, et de 4 à 12 heures avec SB, mais sans différence significative avec le groupe contrôle avant ou après ces périodes. La sédation était significative à 12 et 24 heures suite à l’administration de TB, mais peu marquée avec SB. La prise alimentaire a diminué significativement dans tous les groupes par rapport au niveau de base, mais cette diminution était plus intense et prolongée avec TB (24 à 48 h) et avec SB (24 à 72 h), comparativement au groupe contrôle. L’ingestion de kaolin n’a pas augmenté post administration de buprénorphine, contrairement à une baisse observée chez les témoins, suggérant une absence d’effet nauséeux franc. La production fécale était globalement réduite après administration de TB (24 à 72 h) et de SB (24 à 48 h), comparativement au contrôle (24 h). Enfin, la température corporelle augmentait significativement, de façon prolongée jusqu’à 72 h avec TB et jusqu’à 24 h avec SB par rapport au contrôle, révélant un effet hyperthermisant notable des deux formulations.
Discussion
Cette étude met en évidence que les préparations longue durée de buprénorphine, par voie sous-cutanée ou transdermique, apportent un bénéfice antinociceptif réel mais de courte durée, tandis que des effets secondaires non négligeables persistent tout au long du suivi. Les formulations testées induisent des épisodes d’automutilation (morsures), une diminution parfois marquée de la prise alimentaire et fécale, ainsi qu’une hyperthermie prolongée, la sédation étant notable spécifiquement pour la forme transdermique. Cette myriade d’effets indésirables nécessite une évaluation prudente du rapport bénéfice/risque lors de l’utilisation chronique de telles spécialités chez le rat. Ces résultats sont en accord avec la littérature concernant l’impact digestif et comportemental des opioïdes chez le rat, et soulignent la nécessité de poursuivre les études pharmacocinétiques et pharmacodynamiques sur d’autres doses et formulations, de préférence avec une modulation des différents types de stimulations nociceptives. L’utilisation uniquement d’une seule souche de rat, uniquement de males, ainsi que l’absence d’analyse de concentration plasmatique de buprénorphine, constituent des limites méthodologiques à considérer pour l’extrapolation clinique. Il est à noter que les effets secondaires décrits ici sont rarement observés chez les rats de compagnie.
A retenir
L’administration de buprénorphine à libération prolongée, par voie transdermique ou sous-cutanée, permet une analgésie de 7 heures avec un délai d’action d’une heure, mais impose une surveillance attentive des effets secondaires de ralentissement de transit léger, d’automutilation et d’hyperthermie modérée chez le rat de laboratoire comme chez le NAC.
Pour aller plus loin
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