Conduite à tenir face à un échec du traitement
anti-inflammatoire -cas cliniques

28 septembre 2022

Dr.vét A.Leroux, DMV
CISCO -Oniris, 101 Route de Gachet, 44307 Nantes cedex 3 –France

Chez le cheval, les AINS sont presque toujoursutilisés en première ligne en tant que traitementanti-inflammatoire et analgésique lors d’affectionsorthopédiquesou digestives. Cependant pourobtenir une bonne efficacité thérapeutique,plusieurs problématiques se posent lors de la miseen place du traitement

 

Quel AINS choisir?
La phénylbutazone est l’AINS le plus utilisé chez lecheval pour les affections myo-arthro-squelettiques,tandis que la flunixine est l’AINS le plus utilisé pourles coliques. Beaucoup d’idées préconçues existentconcernant l’efficacité des différents AINS chez lecheval, en particulier sur la supériorité des AINStraditionnels non spécifiques par rapport aux AINSrécents anti-COX2. De nombreuses études ont tentéde comparer les AINS entre eux, mais n’ont pasréussi à confirmer cette hypothèse avec certitude etbeaucoup d’études n’ont d’ailleurs mis en évidenceaucune différence significativeentre eux. Cesrésultats sont néanmoins hautement variables enfonction du modèle de douleur et de la posologiechoisie [1-3].

Suite au retrait de la flunixine injectable fin 2018(actuellement de nouveau disponible sous le nomd’Antalzen®), une thèse vétérinaire a été initiée àOniris dans le but de comparer la flunixine, lekétoprofène et le méloxicam dans le cadre desdouleurs viscérales induites par la castrationinguinale. Cette thèse est toujours en cours decollecte de données (défense prévue en 2020) maiselle a déjà permis d’inclure, à ce jour, 27 chevaux.Les résultats sont prometteurs et semblent être enaccord avec la littérature, puisque le méloxicam semble avoir un effet antalgique viscéral inférieur aukétoprofène et à la flunixine [4].

Quelle dose, quelle fréquence et quelle voied’administration?
Les doses et les temps d’élimination sont trèsvariables selon les AINS et sont égalementdépendants de l’individu. De plus, la durée de l’effetanti-inflammatoire n’est pas corrélée aux temps dedemi-vie d’élimination. Par exemple, le kétoprofènesemble montrer une bonne efficacité lorsqu’il estadministré une fois par jour alors qu’il présente unedemi-vie d’élimination trèscourte [5].

Uneaugmentation de la dose peut être envisagée endébut de traitement, en particulier pour laphénylbutazone et le firocoxib, pour atteindre plusrapidement la concentration d’équilibre dumédicament. L’augmentation de la dose ou de lafréquence d’administration permet de potentialiserl’effet de l’AINS, mais ne doit pas être utilisé sur ladurée, car, comme pour l’utilisation concomitantede 2 AINS, les risques de toxicité augmententfortement [6]. Plusieurs posologies des AINS, parfoisdifférentes de l’AMM, ont été testées, en particulierpour les chevaux en période post-opératoire decoliques ou avec des affections ostéo-articulaires (cf.tableau).

La biodisponibilité orale est généralement bonnemais peut être variable selon les AINS et lesconditions d’administration. La phénylbutazone aune excellente biodisponibilité orale [7], pourtant,en pratique, une diminution de l’effet analgésiqueest souvent observée lorsque l’administration estpassée de la voie intraveineuse à la voie orale. Ceteffet peut être expliqué par des variationsindividuelles, un ralentissement ou une surcharge dusystème digestif ou une interaction médicamenteuse[6]. Le firocoxib, la flunixine et le méloxicamprésentent également une très bonnebiodisponibilité orale (>80%). Le kétoprofènemontre, lui, une biodisponibilité médiocre d’environ50%, pouvant même devenir nulle en présenced’aliments riches en graisses (complémentation enhuile par exemple), ce qui peut expliquer l’absencede formulation orale disponible [8].

Et si le traitement est un échec malgré tout?
L’administration concomitante de 2 AINS différents aété testée, pour observer si leurs effetss’additionnent et si l’efficacité du traitementaugmente. Un effet synergique a effectivement étéobservé: l’effet antalgique de l’administration deflunixine et de phénylbutazone ensemble étaitsupérieur à leur administration séparée pour unmodèle de douleur podale [9].

Par contre, les risques de toxicité aux AINS augmentent énormément lorsde l’association de plusieurs AINS puisque lemécanisme d’action est similaire (inhibition de laproduction des prostaglandines): les chevaux avecun traitement concomitant de flunixine et dephénylbutazone présentaient, après 5 jours, uneaugmentation de la présence et de la sévérité desulcères gastriques, ainsi qu’une diminutionsignificative du taux de protéines sanguinessuggérant une atteinte du colon, par rapport auxchevaux traités uniquement avec de laphénylbutazone [10]. Ce type de traitement est doncfortement déconseillé, étant donné les risquesd’intoxication trop élevés par rapport aux bénéficesescomptés. Dans les cas réfractaires aux AINS, il estdonc recommandé de se tourner vers une analgésiemultimodale.

Tableau présentant les principaux AINS utilisés chez le cheval AINS (NB : Les doses extraites de la littérature sont données à titre indicatif.)

Références

  1. Ziegler AL, Freeman CK, Fogle CA: Multicentre, blinded, randomised clinicat trial comparing the use of flunixin meglumine with firocoxib in horses with smalt intestinal strangulating obstruction. 2019, 51(3):329-335.

  2. Doucet MY, Bertone AL, HendricRson D, Hughes F, Macallister C, McClure S, Reinemeyer C, Rossier Y, Sifferman R, Vrins AA et al: Comparison of efficacy and safety of paste formulations of firocoxib and phenylbutazone in horses with naturally occurring osteoarthritis. J Am Vet Med Assoc 2008, 232(1):91- 97.

  3. Foreman JH, Grubb TL, lnoue OJ, Banner SE, Ball KT: Efficacy of single-dose intravenous phenylbutazone and flunixin meglumine before, during and after exercise in an experimental reversible model of foot lameness in horses. Equine Vet J Suppl 2010(38):601-605.

  4. Naylor RJ, Taylor AH, Knowles EJ, Wilford S, LinnenRohl W, Mair TS, Johns IC: Comparison of flunixin meglumine and meloxicam for post operative management of horses with strangulating smalt intestinal lesions. Equine Vet J 2014, 46(4):427-434.

  5. Landoni MF, Lees P: Comparison of the anti-inflammatory actions of flunixin and Retoprofen in horses applying PK/PD modelling. Equine Vet J 1995, 27(4):247-256.

  6. Davis JL: Pharmacologie Principles. ln: Equine Internai Medicine. Fourth Edition edn. Edited by Reed SM, Bayly WM, Sellon DC. St. Louis, Missouri: Elsevier; 2018: 79-137.

  7. Knych HK, Arthur RM, McKemie DS, Seminoff K, Hamamoto-Hardman B, Kass PH: Phenylbutazone blood and urine concentrations, pharmacoRinetics, and effects on biomarRers of inflammation in horses following intravenous and oral administration of clinicat doses. Drug testing and analysis 2019, 11(6):792-803.

  8. Landoni MF, Lees P: Influence of formulation on the pharmacoRinetics and bioavailability of racemic Retoprofen in horses. J Vet Pharmacol Ther 1995, 18(6):446-450.

  9. Keegan KG, Messer NT, Reed SK, Wilson DA, Kramer J: Effectiveness of administration of phenylbutazone atone or concurrent administration of phenylbutazone and flunixin meglumine to alleviate lameness in horses. Am J Vet Res 2008, 69(2):167-173.

  10. Reed SK, Messer NT, Tessman RK, Keegan KG: Effects of phenylbutazone atone or in combination with flunixin meglumine on blood protein concentrations in horses. Am J Vet Res 2006, 67(3):398-402.

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