Injection du nerf intercostal guidée par échographie
chez des cadavres de lapin :
Description de la technique et comparaison
avec un abord à l’aveugle.
Références article :
Résumé réalisé par le Dr Vet. Charly Pignon pour CAPdouleur – Juillet 2025
Introduction
La gestion optimale de la douleur périopératoire constitue un enjeu central en médecine vétérinaire, notamment chez le lapin, où la douleur non contrôlée est un facteur aggravant de morbidité et de mortalité digestive. L’analgésie loco-régionale, couramment utilisée chez le chien et le chat, permet de limiter le recours aux opioïdes et leurs effets indésirables sur le transit gastro-intestinal. Parmi les techniques disponibles, le bloc intercostal est indiqué lors de chirurgie thoracique, mais sa réalisation par une approche à l’ »aveugle » expose à des complications telles que l’injection intramusculaire, intravasculaire ou intrapleurale. Si l’utilisation de l’échoguidage améliore la précision des blocs intercostaux chez le chien, aucune donnée n’existe à ce jour chez le lapin.
L’objectif de cette étude est de développer une technique échoguidée du bloc intercostal chez le lapin et de comparer son taux de succès et ses complications à l’approche aveugle. L’hypothèse est que l’échoguidage augmente la précision du geste et limite les complications par rapport à la technique conventionnelle.
Matériel et méthodes
Il s’agit d’une étude expérimentale anatomique, prospective, randomisée et en simple aveugle, conduite sur 9 cadavres de lapins domestiques adultes, euthanasiés pour des raisons indépendantes de l’étude. Un premier cadavre a été utilisé pour la phase d’identification ultrasonore-anatomique et pour affiner la technique échoguidée : après tonte thoracique, les espaces intercostaux ont été explorés par sonde linéaire (6-13 MHz), les repères échographiques spécifiques à l’espèce déterminés, et des injections pilotes réalisées. Les injections ciblaient les nerfs intercostaux du troisième au neuvième espace, avec injection de 0,1 mL de colorant jaune pour simuler l’administration d’anesthésique local. La position de la pointe de l’aiguille entre la membrane intercostale interne et la plèvre pariétale était confirmée en temps réel. Lors de la seconde phase, huit cadavres ont été inclus pour comparer, de façon randomisée, chaque hémithorax : un côté recevait les injections par technique aveugle (repérage digital et injection dirigée vers le dessous de la côte), l’autre par échoguidage selon la méthode déterminée en phase I. Après chaque série d’injections (total 56 par technique), une dissection thoracique systématique était réalisée pour évaluer le taux de ciblage correct du nerf (coloration complète de sa circonférence) et la présence d’effraction pleurale (coloration de la face interne de la plèvre). Les résultats des deux groupes ont été analysés statistiquement par test exact de Fisher avec seuil significatif p<0,05.
Résultats
L’analyse échographique a permis d’identifier précisément les côtes, la plèvre pariétale et les structures neurovasculaires intercostales, facilitant le guidage de l’aiguille et le contrôle du dépôt de l’injectat. La dissection anatomique a confirmé le trajet des nerfs intercostaux chez le lapin, localisés le long de la face caudomédiale de la côte parmi les fibres musculaires internes. Au total, 56 injections par méthode ont été réalisées. Le taux de réussite pour la technique aveugle était de 35,7%, contre 66,0% pour l’échoguidage, la différence étant statistiquement significative (p=0,002). Les taux de perforation pariétopleurale étaient comparables entre les deux groupes (23,2% pour la technique aveugle, 21,4% pour l’échoguidée, p>0,999). Un marquage du tronc sympathique était observé dans 87,5% des cas aveugles et 62,5% des cas échoguidés. Des erreurs de comptage des côtes, aboutissant à des injections hors cible, étaient observées uniquement avec la méthode aveugle (7,4%).
Discussion
Cette étude met en évidence la supériorité de l’échoguidage pour améliorer la précision des blocs intercostaux chez le lapin, bien que les taux de succès restent inférieurs à ceux rapportés chez le chien. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce résultat : la disproportion entre la taille de l’aiguille (22G) et le volume cible, la morphologie spécifique du lapin, la minceur de la plèvre et la difficulté technique de repérer et d’infiltrer correctement l’espace intercostal chez une espèce de petit format. Le taux d’effraction pleurale reste élevé et identique dans les deux techniques, possiblement aggravé par la fragilité des tissus post-mortem et la faible distance entre la membrane intercostale et la plèvre. La dissection révèle aussi la possibilité d’atteindre le tronc sympathique lors d’injections trop proximales. Les erreurs de ciblage liées au repérage digital illustrent les limites de la méthode aveugle, renforçant l’intérêt de l’échoguidage surtout pour des localisations précises du bloc. Ces résultats plaident pour l’adaptation du matériel (aiguilles plus fines), l’optimisation de la formation à l’échographie et la validation in vivo sur lapins vivants, où la visualisation dynamique de la plèvre pourrait améliorer la sécurité du geste. Des approches nouvelles comme le bloc interfascial oblique externe méritent d’être comparées.
A retenir
Chez le lapin, le bloc intercostal échoguidé double la précision d’injection nerveuse par rapport à la technique aveugle (66 % vs 35,7 %) sans réduire le risque de ponction pleurale, fréquent dans les deux cas. L’échoguidage améliore donc la fiabilité du geste, mais la sécurité nécessite encore des optimisations techniques.
Pour aller plus loin
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