Comparaison de trois échelles d’évaluation
de la douleur lors de coliques aigües.

7 novembre 2022

ARTICLE : Sutton GA, Atamna R, Steinman A, Mair TS. Comparison of three acute colic pain scales: Reliability, validity and usability. Vet J. 2019 Apr;246:71-77.

La prise en charge efficace des coliques  repose  sur une évaluation  précise  de la douleur, et il n’existe  pour le moment aucun outil d’évaluation de la douleur universellement accepté ayant fait l’objet d’une  validation  rigoureuse.  La plupart des échelles d’évaluation de la douleur abdominale ont été conçues pour évaluer la  douleur post-opératoire dans les cas de coliques chirurgicales. Deux échelles composites de douleur ont  été récemment développées puis validées pour l’évaluation de la douleur des coliques aiguës (van Loon  et van Dierendonck, 2015 et 2016). L’échelle descriptive simple (SDS) semble être particulièrement utile dans la situation clinique de la colique aiguë, où les décisions doivent être prises rapidement, ce qui est  le cas de l’échelle de douleur abdominale aiguë équine (EAAPS, 2013). 

La validité d’une échelle implique que la mesure obtenue corresponde à ce qui était attendu, et elle doit être comparée à  un  gold standard

Dans le cas de l’évaluation de la douleur, la mesure directe n’est pas réalisable, elle repose entièrement  sur  l’impression  de  l’observateur.  

On  se  réfère  donc  à  une  validité  de  construction * (appelée également validité de construit ou validité conceptuelle)  plutôt  qu’à  un  gold  standard. 

Un certain nombre de validités de construit ont été décrites :  

1/ validité convergente : comparaison d’une nouvelle échelle à une échelle existante ;  
2/ validité
discriminante : teste la capacité de l’échelle à discriminer entre des groupes disparates ;
3/ validité
prédictive : évalue la capacité de l’échelle à prédire un résultat attendu ;
4/ validité
apparente : l’échelle semble-t-elle raisonnable d’après un ou plusieurs experts. 

 

*:  Degré  d’adéquation  entre  les  résultats  obtenus  par  un  instrument  de  mesure  et  le  construit  qu’il  cherche à mesurer. 

EEAPS
(equine acute abdominal pain scale – échelle de douleur d’une colique aiguë) :

Echelle  descriptive  simple  (SDS).  Un  score  de  sévérité  de  la  douleur  est  attribué  en  fonction  du  comportement que montre le cheval. Si deux comportements ou plus sont observés, le score est attribué  en fonction du comportement avec la valeur la plus élevée. Il a été démontré que l’EAAPS a des fiabilités inter-observateur  et  intra-observateur  significativement  plus  élevées  qu’une  échelle  globale,  telle  une  échelle  visuelle  analogue  (VAS)  ou  une  échelle  de  notation  numérique  (NRS),  ou  encore  une  autre  échelle descriptive simple (études précédentes). 

Validation : Validée en 2013, puis modifiée et de nouveau validée en 2016.  

Tableau 1 : EAAPS révisé (Sutton et al., 2016)

Score de douleur décrit par Mair et Smith (M&S - 2005) :

Echelle descriptive simple (SDS) pour les coliques aiguës. Ici modifiée pour inclure le score  0, indiquant  l’absence de douleur. 

Validation : non validée. 

Tableau 2 : Echelle M et S incluant l’absence de douleur (Mair et Smith, 2005)

Echelle de notation numérique (numerical rating scale - NRS) :

Il  s’agit  d’une  évaluation  globale,  qui  repose  entièrement  sur  l’impression  de  l’observateur.  Elle est  couramment utilisée en  situation clinique. Cette évaluation peut avoir  des  scores attribuables, comme  une échelle d’évaluation numérique (NRS), mais aucune description n’est fournie.  Ici, l’évaluation globale a été notée par une  simple échelle de notation numérique à  six points comme  suit :  

  • 0, pas de douleur ;  
  • 1, douleur légère ;  
  • 2, douleur légère à modérée ;  
  • 3, douleur modérée ;  
  • 4, douleur modérée à sévère ;  
  • 5, douleur intense. 

Validation : les scores globaux de douleur sont moins fiables que les échelles SDS ou composite,  mais couramment utilisés.  

Objectif :  

Evaluer  si  l’une  des  deux échelles  descriptives  simples  (EAAPS et M&S) est  supérieure  à  l’évaluation  globale de la douleur (NRS) utilisée aujourd’hui, en comparant l’EAAPS, le M&S et un NRS global, pour  la fiabilité inter- et intra-observateur, pour l’utilisabilité (facilité d’utilisation et investissement en temps)  et pour la validité (convergente, discriminante, prédictive et validité apparente). 

Matériel et méthode : 

Groupes d’étude :  

Les  chevaux  ont  plus  d’un  an  et  ont  été  évalués  et  hospitalisés  à  l’École  de  médecine  vétérinaire  de  Koret, Hôpital universitaire vétérinaire, entre 2006 et 2014. 

– 25 chevaux souffrant de coliques plus ou moins sévères. 5 de ces chevaux ont été filmés deux fois. Sur  ces  25  chevaux,  21  avaient  reçu  une  analgésie  dans  les  12  h  précédant  le  tournage des  films  pour  l’évaluation, trois n’en avaient pas reçu, et dans un cas cette information était inconnue. – 5 chevaux sains constituaient le groupe contrôle, hospitalisés pour traitement de fertilité. 

Evaluation : 

44 participants  vétérinaires  recrutés  par  e-mail  et  ayant  effectué  l’étude  complète. 10  questions  démographiques  relatives  à  l’éducation  et  à  la  formation,  à  leur  situation  géographique  et  à  leur  expérience dans le traitement des chevaux souffrant de coliques leur ont été posées. Les participants ont  été dispatchés en trois groupes de manière aléatoire. Chaque groupe a noté la sévérité de la douleur des  chevaux dans les  films en utilisant l’une des trois échelles. Le premier groupe  (16 participants) a utilisé  l’EAAPS,  le  deuxième  groupe  (18 participants)  a  utilisé  l’échelle  M&S  et  le  groupe  restant  (10 participants) a utilisé  le NRS spécifié dans cette étude. 

Trois  questions  supplémentaires  ont  été  conçues  pour  évaluer  la  validité  apparente  des deux  échelles  descriptives  simples  (EAAPS,  M &S)  et  la  facilité  d’utilisation  des  trois  échelles  par  rapport  à l’investissement en temps et à la facilité d’utilisation.  

  • Dans  quelle  mesure  les  participants  étaient  d’accord  avec  l’énoncé  selon  lequel  l’échelle  était  valide (fortement d’accord, d’accord, pas d’accord, pas du tout d’accord) – validité apparente 
  • A  quelle  vitesse  les  participants étaient  capables  d’évaluer  la  gravité  de  la  douleur  (très  rapidement, rapidement, dans un délai raisonnable, lentement ou très lentement) 
  • A quel point l’échelle était difficile à utiliser (très facile, facile, pas facile/pas difficile, difficile ou  très difficile). 

 

Evaluation  des  chevaux  par  visionnage  de  films durant  entre  0,5  et  1  min.  Afin  de  calculer  la  fiabilité  intra-observateur, un ensemble aléatoire de cinq  films a été présenté deux  fois. 40  films  (35 cas ; cinq  contrôles) ont été présentés, dans un ordre aléatoire à chaque participant. 

Certains films n’ont été utilisés que dans cette étude, tandis que d’autres ont été utilisés dans des études  précédentes. 

 

Point statistique sur cette étude sur la fiabilité intra et inter-observateur 

La fiabilité intra-observateur a été testée par des coefficients kappa pondérés linéairement (calculateur  kappa  en  ligne  Vassarstats2)  basés  sur  les  scores  attribués  par  chaque  participant  pour  les  cinq  films  diffusés deux fois. 

La  fiabilité  inter-observateur  a  été  testée  par  corrélation intraclasse,  en  utilisant  le  modèle  à  effets  aléatoires  bidirectionnels  pour l’accord absolu et les mesures  uniques  (modèle A1 ; McGraw et Wong,  1996). 

Perspectives :  

– Discussion autour de l’inclusion de l’évaluation de la fréquence cardiaque dans l’évaluation de la  douleur sur une colique. 

Résultats :  

Fiabilité inter et intra-observateur : 

L’échelle EAAPS a présenté une excellente fiabilité inter et intra-observateur, ce qui peut être due à deux  raisons :  

1/  le  nombre  de  composantes  comportementales  dans  l’EAAPS  est  limité  par  le  fait que l’échelle  est  conçue pour évaluer uniquement les douleurs abdominales aiguës et aucune autre cause de douleur.

2/  le  chevauchement  est  empêché  par  l’instruction  d’utiliser  l’EAAPS  pour  noter la douleur  la  plus  intense que le cheval manifeste : si le cheval manifeste plus d’un comportement, seul le comportement  ayant le score le plus élevé est retenu.

La fiabilité de l’EAAPS état supérieure à la fois à l’échelle M&S et au NRS, dans l’échantillon de l’étude. 

Validité de construit : 

L’échelle M&S a démontré une validité apparente supérieure à celle de l’EAAPS, mais les trois échelles  étaient comparables en ce qui concerne les validités convergente, discriminante et prédictive, ainsi que  sur la facilité d’utilisation.  

Détail sur  l’EAAPS :  validité  apparente  faible,  contrairement  à  une  validité  apparente  plus  élevée  rapportée  dans  les  études  précédentes.  Cet  écart  peut  s’expliquer  par  la  différence  d’échantillons  de  participants.  

Limites :

– Comparaison  uniquement  d’échelles adaptées aux  vétérinaires  de  terrain et aux  propriétaires  de chevaux (l’objectif de l’étude étant d’améliorer les méthodes actuelles d’évaluation clinique) :  exclusion des échelles composites de douleur ; 

– Films  très brefs,  difficulté  d’évaluer correctement la  douleur  dans  le  temps  imparti.  Possibilités  limitées  d’évaluer l’expression faciale et la transpiration. Mais taux de réponse des participants élevé ; – Certains  participants    suggérés  par  d’autres  participants :  possibilité  d’avoir eu des groupes  de  participants  ayant  des  antécédents  ou  des  pratiques  de  travail  similaires (regroupement  des  réponses à l’approbation de l’EAAPS pour la validité apparente ?) ; 

– Fiabilité et validité  des évaluations  subjectives  de la  douleur non facilement généralisables au-delà de l’échantillon d’étude (échantillon d’observateurs et échantillon de chevaux). 

– D’autres études seront nécessaires pour comparer les échelles de douleur en milieu hospitalier  ainsi que dans les environnements habituels des chevaux. 

– Inclure éventuellement d’autres groupes d’observateurs tels que les médecins généralistes et les  propriétaires/entraîneurs de chevaux. 

 

 

Raphaëlle Pichard, 
Dr vétérinaire.  
21/10/2022.

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