Evaluation après injection d’une solution hautement concentrée de buprenorphine chez le rat

17 décembre 2019

Evaluation de l’automutilation, la prise alimentaire, de la production de selles, et de la latence du retrait du membre suite à une stimulation thermique après injection d’une solution hautement concentrée de buprénorphine chez le rat.

Allen M, Nietlisbach N, Johnson RA et al.2018. Evaluationof self-injurious behavior, food intake, fecal output, and thermal withdrawal latencies after injection of a high-concentration buprenorphine formulationin rats (Rattus norvegicus). AJVR 79(2): 154-162

Pharmacocinétique du mavacoxib chez les Flamant des Caraïbes (Phoenicopterus ruber ruber)
Gail L. Huckins, James W. Carpenter, Sara Dias, and Butch KuKanich.​

Introduction

Le chlorhydrate de buprénorphine est un opiacé semi-synthétique et lipophile synthétisé pour la première fois dans les années 1960. Il est fréquemment utilisé pour traiter la douleur modérée à sévère chez le rat. Son effet analgésique est principalement attribuable à son action comme agoniste partiel sur les récepteurs μ-opioïdes, avec lesquels il se lie fortement et se dissocie lentement avec une demi-vie terminale de 2,1 à 3 heures après l’administration d’un bolus IV. La posologie actuelle recommandée chez le rat est de 0,05 mg / kg SC ou IV, toutes les 6 à 12 heures. Cependant, lors d’injections répétées certains auteurs ont rapporté quelques effets secondaires chez le rat de laboratoire tels que des signes de stress, une diminution de la prise alimentaire, un ralentissement de la prise de poids et une hyperalgésie secondaire. 

L’efficacité analgésique des formulations traditionnelles de buprénorphine à des doses de 0,015 à 0,3 mg/kg est bien connue. Un effet de plafond se produit à la posologie de 0,1 mg/kg. Au-delà de cette posologie, aucune augmentation de l’effet hypoalgésique n’est observée. Cependant, des doses plus élevées chez les chats et les rats peuvent avoir des effets antinociceptifs prolongés (de 27 à 72 heures) mais en augmentant la prévalence des effets secondaires. Il existe une formulation de buprénorphine hautement concentrée (Simbadol® ,1,8 mg / ml) disponible aux USA. Ses effets hypoalgésiques sont présents jusqu’à 24 heures chez le chat lorsqu’il est administré à 0,24 mg/kg. L’objectif de cette publication est d’étudier l’efficacité et les effets secondaires de la buprénorphine hautement concentrée (BHC) chez le rat.

Matériels et méthodes
Huit rats de souche Sprague-Dawley ont reçu 4 traitements SC (BHC à 0,075mg/Kg, 0,15mg/Kg ou 0,3 mg/Kg ou une solution de dextrose 5% (0,2 mL/Kg)) lors d’un essai croisé randomisé en aveugle avec une période de washout d’une semaine. Le comportement d’automutilation (auto-morsure, morsure des barreaux de la cage) a été évalué pendant 8 heures après l’injection. La prise alimentaire et la production de matières fécales ont été évaluées 48h avant le traitement et 24h après le traitement. Les données furent séparées pour l’interprétation en périodes diurnes et nocturnes. Les latences de retrait du membre postérieur suite à un stimulus thermique ont été évaluées juste avant l’injection, puis 1, 4, 8, 12, et 24 heures après l’injection. Les données ont été comparées entre les traitements et les points temporels.

 

Résultats
Un comportement d’automutilation a été observé jusqu’à 8 heures après l’injection pour tous les traitements au BHC, mais pas avec le traitement au dextrose. Ces automutilations étaient plus présentes avec les posologies de 0,3mg/Kg et 0,15mg/Kg qu’avec la posologie de 0,075mg/Kg. Cependant, aucun animal n’a été retiré de l’étude pour cause de blessure secondaire à ces automutilations. La prise alimentaire et la production de matières fécales étaient similaires entre les groupes avant injection et plus élevées pendant la période nocturne que pendant la période diurne. La prise alimentaire après tous les traitements au BHC était plus élevée pendant la période de diurne et plus faible pendant la période nocturne, par rapport aux résultats avantl’injection. Quelque soit la période, la prise alimentaire après les traitements au BHC était plus importante que celle après administration de dextrose. La production de selles pendant la période diurne était inférieure après l’administration de BHC0,15mg/Kg et BHC0,3mg/Kg, par rapport à la production fécale préinjection pour ces mêmes traitements. On retrouve un résultat similaire si l’on compare les groupes BHC0,15mg/Kg et BHC0,3mg/Kg par rapport au groupe dextrose 5% en post injection sur la période diurne. La variation en pourcentage de la latence de retrait du membre suite à un stimulus thermique était significativement plus élevée que celle du groupe témoin au temps 0 pour seulement 1 traitement (BHC0,3mg/Kg) à seulement 1 heure après l’injection.

Dans cette étude, les groupes de rats témoins (ceux n’ayant reçu aucun traitement et aucune procédure, ceux ayant reçu du sérum physiologique après l’anesthésie et ceux ayant reçu du sérum physiologique après anesthésie et opération), ont été étudiés afin de déterminer l’utilité des paramètres choisis pour évaluer la douleur. Aucun des protocoles testés n’a permis d’obtenir une analgésie parfaite, chacun de ces groupes traités ayant montré au moins des signes mineurs de douleurs. Il est regrettable cependant que les auteurs n’aient pas utilisé une analgésie multimodale (buprénorphine et meloxicam) et n’ont pas suivi les recommandation pharmacocinétiques et pharmacodynamiques sur le meloxicam publiées dans d’autres étude à savoir une posologie de 1mg/Kg BID.

La variabilité du poids est un paramètre souvent utilisé pour évaluer la douleur. Ce paramètre s’est montré variable et non conclusif dans cette étude puisqu’il n’y avait pas de différence significative entre les groupes témoins et ceux ayant reçu de l’analgésie.

Le score de douleur (posture, l’ouverture des yeux, le niveau d’activité, la qualité du pelage, l’utilisation de l’enrichissement de leur cage) s’est montré pertinent avec des différences significatives sur les première 48h entre les groupes témoins et les groupes traités. Ceci semble suggérer que les comportements de douleurs ne sont significatifs chez une rate ayant subi une ovariohystérectomie que pendant 48h. De plus les notations des 5 observateurs étaient relativement concordantes. Seule la dose forte de buprénorphine (0,1mg/Kg) semblait ne pas fournir une analgésie suffisante. Cela est certainement dû à l’effet plafond de la buprénorphine précédemment décrit chez cette espèce à partir de 0,03mg/Kg.

Les réactions au point d’injection du meloxicam sont un résultat inattendu qui n’ont pas été décrits dans de précédentes études. Il s’agissait de petites lésions ulcératives de 3mm qui ne semblaient pas gêner les rats. Les auteurs supposent que les injections répétées de meloxicam ont pu engendrer ces lésions. Les effets secondaires liés à l’injection sous cutanée de buprénorphine longue action ont déjà été décrits.

Discussion
Le BHC utilisé dans une précédente publication avait permis une analgésie postopératoire jusqu’à 24 heures chez les chats lorsqu’il est administré à 0,24 mg/kg, SC. Dans cette étude, la molécule n’a fourni qu’une heure d’analgésie thermique aux rats, et uniquement à la dose testée la plus élevée (0,3 mg/kg). L’une des limites de cette étude est qu’il n’y a pas eu de doses plus élevées testées et qu’il n’y a pas eu d’observation d’effet de plafond. La posologie analgésique est donc peut-être plus élevée chez le rat. De plus, l’étude est limitée par la petite taille de l’échantillon (8 rats), il est possible qu’une plus grande taille d’échantillon ait pu influencer ces résultats.

La buprénorphine est connu chez le rat comme engendrant des comportements de pica. Le pica est induit chez le rat par des stimuli qui provoquent chez les autres espèces des nausées et des vomissements. Le pica a été évalué chez le rat comme un indice du potentiel effet émétique de molécules. Dans cette étude, le comportement de pica n‘était pas possible car il n’y avait pas de substrat au fond de la cage des animaux testés.

L’hyperalgésie est un effet indésirable moins bien compris lors de l’administration de buprénorphine. Elle a cependant été particulièrement observée après des doses répétées, lorsque les concentrations plasmatiques de la molécule sont faibles et lorsqu’elles sont utilisées chez des animaux sans conditions douloureuses.

Le comportement de stéréotypie chez le rat (automutilation, morsure barreaux) dépend principalement de l’activation dopaminergique dans les noyaux gris centraux et est induit par des agonistes de la dopamine. Si l’activation des récepteurs de la dopamine est impliquée dans l’induction des comportements stéréotypés, les mécanismes non dopaminergiques impliquant les systèmes noradrénergiques, sérotoninergiques et opioïdes influencent également sur l’apparition de stéréotypies. Les auteurs supposent que le comportement d’automutilation dans la présente étude a été induit par l’activation des récepteurs μ-opioïdes aux 3 doses de BHC testées. Il est important de noter que les rats de la présente étude n’avaient pas accès à la litière, ainsi, il est possible que si une litière ou un autre substrat non nutritif était fourni, le comportement d’automutilation aurait pu être atténué et remplacé par un comportement de pica. Contrairement au pica, le comportement d’automutilation n’a pas été clairement documenté dans les études sur les préparations traditionnelles de chlorhydrate de buprénorphine chez le rat.

 

A retenir

L’injection de buprénorphine haute concentration dosée à 0,3mg/Kg n’a permis une analgésie sur stimulus thermique qu’une heure après injection. Des comportements d’automutilation (sans blessure), des augmentations de la prise alimentaire mais des diminutions de la production fécale ont été détectés sur les rats ayant reçus les injections de buprénorphine haute concentration.Une posologie plus efficace reste à trouver tout en mettant en balance la survenue des effets secondaires décrits précédemment.

Pour aller plus loin

Ohtani M, Kotaki H, Nishitateno K, et al. Kinetics of respiratorydepression in rats induced by buprenorphine and itsmetabolite, norbuprenorphine. J PharmacolExpTher1997;281:428–433.
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Schaap MWH, Uilenreef JJ, Mitsogiannis MD, et al. Optimizing the dosinginterval of buprenorphine in rats. Lab Anim 2012;46:287–292.
Thompson AC, Kristal MB, Abdullah S, et al. Analgesicefficacy of orallyadministeredbuprenorphine in rats. Comp Med 2004;54:293–300.
Cooper DM, Hoffman W, Wheat N, et al. Duration of effects on clinicalparameters and referredhyperalgesia in rats after abdominal surgery and multiple doses of analgesia. Comp Med 2005;55:344–353.
Sharma R, Manchanda SK, Nayar U. Role of opioidreceptors in self-aggression in rats. Indian J PhysiolPharmacol1991;35:165–169.
Wala EP, Holtman JR. Buprenorphine-inducedhyperalgesia in the rat. Eur J Pharmacol2011;651:89–95.

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