Matériels et méthodes
Huit rats de souche Sprague-Dawley ont reçu 4 traitements SC (BHC à 0,075mg/Kg, 0,15mg/Kg ou 0,3 mg/Kg ou une solution de dextrose 5% (0,2 mL/Kg)) lors d’un essai croisé randomisé en aveugle avec une période de washout d’une semaine. Le comportement d’automutilation (auto-morsure, morsure des barreaux de la cage) a été évalué pendant 8 heures après l’injection. La prise alimentaire et la production de matières fécales ont été évaluées 48h avant le traitement et 24h après le traitement. Les données furent séparées pour l’interprétation en périodes diurnes et nocturnes. Les latences de retrait du membre postérieur suite à un stimulus thermique ont été évaluées juste avant l’injection, puis 1, 4, 8, 12, et 24 heures après l’injection. Les données ont été comparées entre les traitements et les points temporels.
Résultats
Un comportement d’automutilation a été observé jusqu’à 8 heures après l’injection pour tous les traitements au BHC, mais pas avec le traitement au dextrose. Ces automutilations étaient plus présentes avec les posologies de 0,3mg/Kg et 0,15mg/Kg qu’avec la posologie de 0,075mg/Kg. Cependant, aucun animal n’a été retiré de l’étude pour cause de blessure secondaire à ces automutilations. La prise alimentaire et la production de matières fécales étaient similaires entre les groupes avant injection et plus élevées pendant la période nocturne que pendant la période diurne. La prise alimentaire après tous les traitements au BHC était plus élevée pendant la période de diurne et plus faible pendant la période nocturne, par rapport aux résultats avantl’injection. Quelque soit la période, la prise alimentaire après les traitements au BHC était plus importante que celle après administration de dextrose. La production de selles pendant la période diurne était inférieure après l’administration de BHC0,15mg/Kg et BHC0,3mg/Kg, par rapport à la production fécale préinjection pour ces mêmes traitements. On retrouve un résultat similaire si l’on compare les groupes BHC0,15mg/Kg et BHC0,3mg/Kg par rapport au groupe dextrose 5% en post injection sur la période diurne. La variation en pourcentage de la latence de retrait du membre suite à un stimulus thermique était significativement plus élevée que celle du groupe témoin au temps 0 pour seulement 1 traitement (BHC0,3mg/Kg) à seulement 1 heure après l’injection.
Dans cette étude, les groupes de rats témoins (ceux n’ayant reçu aucun traitement et aucune procédure, ceux ayant reçu du sérum physiologique après l’anesthésie et ceux ayant reçu du sérum physiologique après anesthésie et opération), ont été étudiés afin de déterminer l’utilité des paramètres choisis pour évaluer la douleur. Aucun des protocoles testés n’a permis d’obtenir une analgésie parfaite, chacun de ces groupes traités ayant montré au moins des signes mineurs de douleurs. Il est regrettable cependant que les auteurs n’aient pas utilisé une analgésie multimodale (buprénorphine et meloxicam) et n’ont pas suivi les recommandation pharmacocinétiques et pharmacodynamiques sur le meloxicam publiées dans d’autres étude à savoir une posologie de 1mg/Kg BID.
La variabilité du poids est un paramètre souvent utilisé pour évaluer la douleur. Ce paramètre s’est montré variable et non conclusif dans cette étude puisqu’il n’y avait pas de différence significative entre les groupes témoins et ceux ayant reçu de l’analgésie.
Le score de douleur (posture, l’ouverture des yeux, le niveau d’activité, la qualité du pelage, l’utilisation de l’enrichissement de leur cage) s’est montré pertinent avec des différences significatives sur les première 48h entre les groupes témoins et les groupes traités. Ceci semble suggérer que les comportements de douleurs ne sont significatifs chez une rate ayant subi une ovariohystérectomie que pendant 48h. De plus les notations des 5 observateurs étaient relativement concordantes. Seule la dose forte de buprénorphine (0,1mg/Kg) semblait ne pas fournir une analgésie suffisante. Cela est certainement dû à l’effet plafond de la buprénorphine précédemment décrit chez cette espèce à partir de 0,03mg/Kg.
Les réactions au point d’injection du meloxicam sont un résultat inattendu qui n’ont pas été décrits dans de précédentes études. Il s’agissait de petites lésions ulcératives de 3mm qui ne semblaient pas gêner les rats. Les auteurs supposent que les injections répétées de meloxicam ont pu engendrer ces lésions. Les effets secondaires liés à l’injection sous cutanée de buprénorphine longue action ont déjà été décrits.
Discussion
Le BHC utilisé dans une précédente publication avait permis une analgésie postopératoire jusqu’à 24 heures chez les chats lorsqu’il est administré à 0,24 mg/kg, SC. Dans cette étude, la molécule n’a fourni qu’une heure d’analgésie thermique aux rats, et uniquement à la dose testée la plus élevée (0,3 mg/kg). L’une des limites de cette étude est qu’il n’y a pas eu de doses plus élevées testées et qu’il n’y a pas eu d’observation d’effet de plafond. La posologie analgésique est donc peut-être plus élevée chez le rat. De plus, l’étude est limitée par la petite taille de l’échantillon (8 rats), il est possible qu’une plus grande taille d’échantillon ait pu influencer ces résultats.
La buprénorphine est connu chez le rat comme engendrant des comportements de pica. Le pica est induit chez le rat par des stimuli qui provoquent chez les autres espèces des nausées et des vomissements. Le pica a été évalué chez le rat comme un indice du potentiel effet émétique de molécules. Dans cette étude, le comportement de pica n‘était pas possible car il n’y avait pas de substrat au fond de la cage des animaux testés.
L’hyperalgésie est un effet indésirable moins bien compris lors de l’administration de buprénorphine. Elle a cependant été particulièrement observée après des doses répétées, lorsque les concentrations plasmatiques de la molécule sont faibles et lorsqu’elles sont utilisées chez des animaux sans conditions douloureuses.
Le comportement de stéréotypie chez le rat (automutilation, morsure barreaux) dépend principalement de l’activation dopaminergique dans les noyaux gris centraux et est induit par des agonistes de la dopamine. Si l’activation des récepteurs de la dopamine est impliquée dans l’induction des comportements stéréotypés, les mécanismes non dopaminergiques impliquant les systèmes noradrénergiques, sérotoninergiques et opioïdes influencent également sur l’apparition de stéréotypies. Les auteurs supposent que le comportement d’automutilation dans la présente étude a été induit par l’activation des récepteurs μ-opioïdes aux 3 doses de BHC testées. Il est important de noter que les rats de la présente étude n’avaient pas accès à la litière, ainsi, il est possible que si une litière ou un autre substrat non nutritif était fourni, le comportement d’automutilation aurait pu être atténué et remplacé par un comportement de pica. Contrairement au pica, le comportement d’automutilation n’a pas été clairement documenté dans les études sur les préparations traditionnelles de chlorhydrate de buprénorphine chez le rat.