Figure 3 : Représentation schématique théorique de l’absorption pour une base faible liposoluble notée B (BH+ étant son acide conjugué) et de pKa = 8,4.
Seule la forme non ionisée peut être absorbée, la forme BH+ ne peut pas franchir les membranes. Plus le pH salivaire est élevé et plus la forme B sera prédominante dans la salive et plus la molécule pourra gagner le sang où elle s’accumulera.
Les chiffres indiquent une concentration théorique virtuelle en prenant la valeur 1 comme concentration de la molécule sous forme non ionisée.
Le fait que le chat ait une salive généralement un peu plus basique que celle du chien a donc conduit à évaluer l’efficacité de la voie transmuqueuse pour la buprénorphine (0,02mg/kg) pour cette espèce.
Une étude a démontré que la concentration plasmatique maximale était obtenue en 30 min pour une durée d’action de 6 h.
L’effet analgésique était comparable en intensité et en durée que lors d’administration intraveineuse.
De la même façon, cette voie a été utilisée avec succès pour l’administration de méthadone chez le chat et a démontré un bénéfice analgésique similaire, et même prolongé, par rapport à la voie intraveineuse (les doses utilisées étaient de respectivement 0,6mg/kg et 0,3mg/kg pour la voie transmuqueuse et intraveineuse) 9.
Il est à noter cependant que le niveau de preuve pour l’utilisations de la voie transmuqueuse des opiacés chez le chat est assez faible et aucune AMM n’est disponible pour cette voie.
Il est par exemple probable que le pH de la salive des chats soit assez variable d’un individu à l’autre et entraînant ainsi une variabilité imprédictible de l’absorption.
FIV et morphine
Au cours des années 2000, il a été montré que l’administration de morphine à forte dose (1-2mg/kg SC) deux jours par semaine entraînait une amélioration significative des signes cliniques liés à une infection expérimentale par le FIV chez le chat.
Cet effet s’exprimait au travers d’une lymphadénopathie retardée, une tendance à la diminution de la charge virale et une amélioration des signes nerveux.
Néanmoins, ces études ne sont qu’expérimentales et le mécanisme d’effet est inconnu.
Il faut aussi considérer ces résultats avec précaution puisqu’aucune étude clinique n’a été conduite sur ce sujet chez le chat.
Alpha2-agonistes
Les alpha2-agonistes utilisés lors de la prémédication anesthésique présentent un fort intérêt à la fois pour leur caractère sédatif et potentialisant de l’induction anesthésique (diminution de 50% de la dose de propofol par exemple) et pour leur pouvoir analgésique qui les indique dans le contexte des douleurs chirurgicales modérées.
Ils présentent une bonne résorption après administration par voie intramusculaire et un volume de distribution compris entre 1,7 et 2,2 L/kg chez le chat.
Ces molécules sont principalement métabolisées par hydroxylations hépatique très rapides et intenses chez le chien comme chez le chat.
En conséquences, la vitesse de métabolisme est principalement dépendante du débit hépatique et les différences de métabolisme entre espèce n’entraînent pas de différences de pharmacocinétique.
Néanmoins, chez le chat comme chez le chien, la pharmacocinétique est non linéaire et la vitesse d’élimination de la molécule se réduit lorsque la dose augmente.
Il n’y a donc pas de particularités spécifiques liées à l’utilisation des alpha2-agonistes chez le chat par rapport au chien.
Néanmoins, il convient de rappeler que les chats sont plus sensibles à l’effet émétisant des alpha2-agonistes que les chiens 12.
Ce phénomène fait de la xylazine la molécule de choix pour l’induction des vomissements chez le chat.
Des études récentes semblent aussi suggérer que l’effet émétisant de la dexmédétomidine chez le chat est relativement comparable à celui de la xylazine.
Autres molécules analgésiques
Tramadol
Le tramadol est un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline.
Il permet un effet anti‑hyperalgique central en contribuant à activer le contrôle descendant de la douleur.
En lui-même, le tramadol ne possède qu’une activité analgésique négligeable pour les récepteurs aux opiacés (10 000 fois moins que la morphine) mais certain de ses métabolites exercent une activité analgésique directe via les récepteurs µ.
Parmi une trentaine de ces métabolites produits par oxydation (métabolisme de phase I), le O-desmethyltramadol (appelé M1) est celui qui présente la meilleur affinité (50% celle de la morphine) et activité pour les récepteurs µ.
En raison de la nécessité d’une grande variabilité des cytochromes responsables de son métabolisme (CYP2D15) chez le chien, il est très certain qu’il existe des populations de « répondeurs » et de « non-répondeurs » au tramadol, ainsi que le mentionne les résumés des caractéristiques des produits (RCP) des médicaments à base de tramadol en médecine vétérinaire.
Pour ces raisons, l’efficacité du tramadol est très controversée chez le chien compte tenu de la très grande variabilité du métabolisme qui aboutit à des concentrations très variables en M1 suivant les animaux.
Chez le chat, il semble que le métabolisme du tramadol en M1 soit plus constante d’un individu à l’autre et probablement plus prédictible.
Néanmoins les études sur l’efficacité du tramadol chez le chat restent peu nombreuses et ne sont pas unanimes.
Par exemple, une étude évaluant l’efficacité du tramadol chez le chat souffrant d’arthrose a montré une bonne efficacité par rapport à un placebo.
D’autre part, une étude n’a pas montré de bénéfice supérieur à l’association du meloxicam et du tramadol par rapport au meloxicam seul lors d’arthrose du chat
Finalement, des études semblent suggérer que les chats présentent un risque d’effets indésirables graves se manifestant sous la forme de syndrome sérotoninergiques lors de traitement au tramadol.
Le risque de syndrome sérotoninergique est bien décrit chez l’Homme et peut s’expliquer par l’inhibition de la recapture de la sérotonine par le tramadol.
Gabapentine
La gabapentine est un analogue de l’acide gamma-Aminobutyrique (GABA) utilisé historiquement comme anti-épileptique.
Chez le chien et le chat, son utilisation est devenue populaire dans le contexte des douleurs neuropathiques.
La gabapentine est éliminée rapidement chez le chien et le chat, par voie rénale, ce qui permet sont utilisation chez les animaux présentant une insuffisance hépatique.
D’autre part, sa demi-vie d’élimination est assez courte (environ 3h) et très similaire entre le chien et le chat.
Néanmoins, compte tenu d’une meilleure biodisponibilité orale (environ 90% chez le chat), la dose recommandée chez le chat est de 5-10mg/kg toutes les 8h, ce qui est plus faible que chez le chien.
Les études cherchant à mettre en évidence l’effet antinociceptif de la gabapentine chez le chat sont souvent décevantes, probablement à cause de problèmes méthodologiques
D’autre part, chez le chat l’utilisation de gabapentine se traduit souvent par une sédation ou une léthargie marquées qui rendent difficile l’évaluation de son effet analgésique.
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