Comment discuter du cannabidiol (CBD) avec les propriétaires d’animaux – Situation aux États-Unis –

26 janvier 2021

Comment discuter du cannabidiol (CBD) avec les propriétaires d’animaux - Situation aux États-Unis -

Talking CBD with your veterinary clients, Don Vaughan, DVM360 explores, 29 December 2020, traduction et interprétation Amandine Bouvier.

Introduction

La polémique d’un nouveau produit à base de cannabidiol (CBD) place les vétérinaires dans une situation délicate. Partagés entre des attentes de la part de certains propriétaires informés de l’existence de cette molécule, l’émergence et l’utilisation de ce complément pour animaux dans d’autres pays voisins et la sensibilité actuelle du produit vis-à-vis de la législation, il est alors difficile de savoir comment en parler et s’il est autorisé d’en parler. Cet article présente la situation du CBD aux États-Unis, où son utilisation est plus avancée qu’en France.

Résumé

« Lorsque les propriétaires d’animaux demandent, donnez-leur des réponses. Et ne vous inquiétez pas, vous pouvez parler avec vos clients de l’utilisation du cannabidiol sur les animaux de compagnie »

Les États-Unis semblent de plus en plus à l’aise avec l’usage récréatif du cannabis, comme en témoigne le fait que 4 nouveaux États ont légalisé son utilisation lors des élections de novembre, portant le total à 15 États des USA, plus le district de Columbia. Cette acceptation a suscité un intérêt accru pour l’utilisation médicinale du cannabidiol (CBD), un composé non psychotrope, dérivé du chanvre, qui est souvent utilisé pour traiter des problèmes tels que la douleur, l’anxiété et l’insomnie.

Ce que veulent les propriétaires d’animaux

L’intérêt pour le CBD continue également de croître parmi les propriétaires d’animaux. Stephen Cital, RVT, RLAT, SRA, VCCS, CVPP, VTS-LAM, responsable de laboratoire au Département de Neurobiologie de l’Université de Stanford, cofondateur du groupe Facebook « Veterinary Cannabinoid Academy » et membre du comité consultatif éditorial dvm360®, cite les résultats d’une enquête récente dans laquelle près de 70% des clients vétérinaires ont soulevé la question de l’utilisation de CBD lors de consultations avec leur vétérinaire 1.

Divers facteurs semblent susciter l’intérêt des clients, y compris le fait que le cannabis est devenu plus courant, explique Stephanie McGrath, DVM, PhD, professeure adjointe de neurologie au Colorado State University College of Veterinary Medicine and Biomedical Sciences. « Je pense également que les propriétaires d’animaux et les familles l’utilisent davantage pour leurs propres maladies, il est donc de plus en plus attrayant de l’essayer sur leurs chiens », ajoute-t-elle. « Et enfin, je pense que le fait qu’il existe, maintenant, des recherches, a aidé les vétérinaires et les propriétaires d’animaux à se sentir un peu plus à l’aise avec son utilisation ».

Ce que montrent les résultats d’études

Des études aux États-Unis et à l’étranger ont examiné l’utilisation du CBD pour traiter diverses affections chez les animaux, y compris les convulsions chez les chiens souffrant d’épilepsie idiopathique réfractaire, la douleur arthrosique chez les chiens, la peur induite par le bruit chez les chiens, etc 2-5. De nombreuses études ont montré que le CBD était efficace avec peu ou pas d’effets indésirables.

Par exemple, une étude sur la douleur de l’arthrose canine a conclu que le CBD « exerce des propriétés anti-inflammatoires solides et quantifiables dans des systèmes expérimentaux » qui étaient exportables dans un essai randomisé, en double aveugle et contrôlé par placebo sur un modèle spontané d’arthrose canine.2 Une autre étude sur la douleur arthrosique chez les chiens, publiée dans Frontiers in Veterinary Science, a rapporté une réduction similaire des signes.3 L’efficacité a également été indiquée dans une étude sur l’utilisation du CBD, en association avec un traitement antiépileptique conventionnel, pour réduire la fréquence des crises chez les chiens. 4

De tels résultats sont prometteurs, mais Cital note que certaines nuances importantes de la recherche sur le CBD doivent être prises en compte. « Le CBD provient d’une plante qui contient plus de 500 composés », explique-t-il. « Tout le monde se concentre sur le CBD et le THC [tétrahydrocannabinol, le composé psychotrope présent dans la marijuana], mais il y a des centaines de choses différentes dans ces produits. Une variété de facteurs peut changer le profil des cannabinoïdes ou des terpènes, de sorte que chaque produit est vraiment différent. Lorsque vous avez un succès ou un échec d’un produit particulier dans une étude, ces données sont vraiment spécifiques à ce produit particulier, nous ne pouvons donc pas facilement extrapoler qu’un autre produit fonctionnera de la même manière. « 

McGrath confirme : « Nous sommes encore au début de la découverte de ce médicament. Nous devions commencer par la base : les études de pharmacologie et d’innocuité. Nous ne faisons que commencer avec quelques petits essais cliniques. Et même si certaines études sont encourageantes, nous avons encore un long chemin à parcourir. »

Comment en parler ?

Bien que les clients se tournent de plus en plus vers le CBD pour eux-mêmes et leurs animaux de compagnie, la légalité du CBD peut être déroutante pour les membres de l’équipe vétérinaire, dont beaucoup préfèrent éviter de discuter du CBD avec les clients par peur. Mais il y a une bonne nouvelle : en 2018, le département américain de l’Agriculture a déclaré que le chanvre, qui contient une concentration de THC inférieure à 0,3% en poids sec, était légal. « Le gouvernement fédéral a décriminalisé le chanvre et légalisé la molécule de CBD tant qu’elle est dérivée d’une plante particulière, mais il a également donné aux États le pouvoir individuel de le réglementer comme bon leur semble », rapporte Cital. « À ma connaissance, il n’y a qu’une poignée d’États qui n’autorisent pas l’utilisation du CBD, même s’il est dérivé du chanvre légal. »

Cital précise que les membres de l’équipe vétérinaire ne devraient pas se sentir nerveux à l’idée de discuter du CBD avec des clients intéressés, même dans les États où le CBD est illégal, car de telles conversations relèvent de la réduction des risques. « Les gens n’arrêtent pas de dire, je ne peux même pas utiliser le mot CBD dans ma clinique, ce qui n’est pas vrai », déclare-t-il. « Je dirais en fait que, ne pas discuter de CBD, va à l’encontre du serment qu’ils ont prêté en tant que vétérinaires ou techniciens de ne pas nuire, parce que vous n’informez pas le propriétaire sur la sécurité et l’efficacité du produit. Tout est une question d’éducation. »

Cependant, Cital encourage les vétérinaires à éviter les mots tels que prescrire ou dispenser. « Ceux sont des mots spécifiques aux médicaments et aux dispositifs, approuvés par la FDA et à de nombreuses lois d’État sur les pharmacies », explique-t-il. « Parce que le chanvre est dans une zone grise étrange en tant que complément pour animaux, il ne nécessite pas l’approbation de la FDA, tout comme vous n’avez pas besoin de l’approbation de la FDA pour la glucosamine / chondroïtine. Tant que ces produits ne font pas de réclamations médicales sur leur emballage ou dans leurs publicités, ils sont considérés comme un complément pour animaux et sont légaux. »

En ce qui concerne l’éducation des clients, McGrath suggère de se concentrer sur les potentiels effets indésirables et les interactions médicamenteuses. « Le CBD n’est probablement pas sans danger pour tous les animaux, à chaque dose », dit-elle. « Nous en apprenons encore beaucoup sur ce médicament, mais nous savons que certaines précautions doivent être prises. Et les propriétaires d’animaux devraient savoir de leur mieux, quel produit ils achètent. Il existe de nombreux produits préoccupants sur Internet et sur les rayons des magasins, dont les revendications peuvent ne pas être fondées. Par conséquent, la recherche d’une entreprise et de ses produits est impérative. »

Le CBD est disponible sous diverses formes, le liquide étant le plus courant, explique Cital. Les produits à mâcher pour chiens, infusés au CBD, sont également populaires. Comme McGrath, Cital encourage les professionnels vétérinaires et les clients à s’assurer qu’ils utilisent un produit de qualité. « Je ne soutiens pas les entreprises qui refusent de proposer un certificat d’analyse », dit-il. « Nous avons testé près de 30 produits vétérinaires et en avons trouvé certains sans aucun CBD. D’autres avaient également des niveaux élevés de led et d’arsenic. » 6

Avec des milliers de membres, la Veterinary Cannabinoid Academy est une bonne source d’informations sur l’utilisation vétérinaire du CBD et d’autres composés du cannabis et offre une variété de ressources pour se former et expliquer aux publics. De plus, Springer Nature est en phase de production d’un manuel qui résume les études actuelles sur le CBD, ainsi que des informations supplémentaires. Il sera disponible en version e-book et imprimée.

A retenir

Bien que la plupart des études aux États-Unis démontrent une efficacité du CBD et peu ou pas d’effets secondaires, leur utilisation doit cependant restée prudente. En effet, les produits à base de CBD sont composés d’une variété de facteurs qui implique une différence entre chaque produit, rendant l’analyse scientifique du CBD, de son efficacité et de son innocuité, plus compliquée. Le recul sur ces études est encore trop faible. Il reste cependant important de répondre aux questions des propriétaires sur ce produit afin de les informer de la législation en vigueur sur le CBD en France, de l’avancée actuelle des études et de les mettre en garde sur une utilisation, hors indication vétérinaire, du produit. Le CBD étant actuellement classé comme un complément pour animaux et non un médicament, certains termes, comme traitement ou prescription, sont à proscrire de toute communication aux propriétaires.


Bibliographie

1. Wuest P. Poll: Are you being asked about CBD products in your practice? Today’s Veterinary Nurse. Accessed December 15, 2020. https://todaysveterinarynurse.com/articles/poll-are-you-being-asked-about-cbd–products-in-your-practice/

2. Verrico C, Wesson S, Konduri V, et al. A randomized, double-blind, placebo-controlled study of daily cannabidiol for the treatment of canine osteoarthritis pain. Pain. 2020;161(9):2191-2202. doi:10.1097/j.pain.0000000000001896

3. Gamble LJ, Boesch JM, Frye CW, et al. Pharmacokinetics, safety, and clinical efficacy of cannabidiol treatment in osteoarthritic dogs. Front Vet Sci. 2018;5:165. doi:10.3389/fvets.2018.00165

4. McGrath S, Bartner LR, Rao S, Packer RA, Gustafson DL. Randomized blinded controlled clinical trial to assess the effect of oral cannabidiol administration in addition to conventional antiepileptic treatment on seizure frequency in dogs with intractable idiopathic epilepsy. J Am Vet Med Assoc. 2019;254(11):1301-1308. doi:10.2460/javma.254.11.1301

5. Morris EM, Kitts-Morgan SE, Spangler DM, McLeod KR, Costa JHC, Harmon DL. The impact of feeding cannabidiol (CBD) containing treats on canine response to a noise-induced fear response test. Front Vet Sci. 2020;7:569565. doi:10.3389/fvets.2020.569565

6. Wakshlag JJ, Cital S, Eaton SJ, Prussin R, Hudalla C. Cannabinoid, terpene, and heavy metal analysis of 29 over-the-counter commercial veterinary hemp supplements. Vet Med (Auckl). 2020;11:45-55. doi:10.2147/VMRR.S248712

Accès à l’article complet original (anglais) : https://www.dvm360.com/view/no-1-thing-technicians-get-wrong-about-pain-management

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