Mastiff femelle, 7 ans, 67 kg
Arthrose bilatérale sévère des grassets avec ankylose. Score Dolodog 31 : Douleurs sévères sans composante neuropathique associée. Intolérance digestive aux AINS. La prise quotidienne de tramadol (200 mg le matin, 100 mg le soir) depuis 1 an permet au chien de se relever et de diminuer le ressenti douloureux sans améliorer significativement la fonction. Le nomadisme médical du propriétaire est dû à des avis très contradictoires sur l’opportunité d’une double TPLO. L’injection intra-articulaire de cellules souches mésenchymateuses néonatales a permis une récupération fonctionnelle spectaculaire et durable (26 mois à ce jour) : score Dolodog 10-14 ; la prescription de tramadol est renouvelée pour gérer les accès paroxystiques (environ 40 administrations au cours des 780 jours de suivi).
3° Contre-indications
L’association de tramadol avec les médicaments suivants est contre indiquée en raison du risque de survenue d’un excès de sérotonine dans le sang à l’origine d’un syndrome clinique sérotoninergique :
- Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) : fluoxétine, floxyfral
- Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et la noradrénaline (IRSN) : mirtazapine, duloxétine.
- Inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO-B) : séléginine Selgian
- Antidépresseurs tricycliques (AD3C): clomipramine Clomicalm
- Amidine : amitraz
- Précurseurs de la sérotonine : L-tryptophane
- Agonistes sérotoninergiques : triptans
Les ISRS, les IRSN, les AD3C et le tramadol inhibent la recapture de la sérotonine au niveau pré-synaptique. Les IMAO-B et les amidines inhibent le métabolisme de la sérotonine.
Le syndrome sérotoninergique est caractérisé par une hyperactivité autonome (hyperthermie, tachycardie, tachypnée, mydriase, diarrhée), une hyperactivité neuromusculaire (tremblements, myoclonies, hyperréflexie, rigidité, crises épileptiformes) et une altération de l’état mental (agitation, excitation, choc et CIVD).
Les antagonistes des récepteurs de la sérotonine, tels que la cyproheptadine et la chlorpromazine, peuvent être bénéfiques dans la gestion du syndrome sérotoninergique. La cyproheptadine est administrée par voie orale ou écrasée et administrée par voie rectale à raison de 1,1 mg/kg chez le chien ou de 2 à 4 mg (dose totale) chez le chat toutes les 4 à 6 heures. La chlorpromazine peut être administrée à raison de 0,5 mg/kg par voie IV, IM ou SC toutes les 6 heures en surveillant étroitement les effets secondaires d’hypotension et de sédation.
Le pronostic des syndromes sérotoninergiques induits par des doses excessives d’ISRS est excellent : aucun décès chez 313 chiens intoxiqués (9)
4° Effets indésirables
Une enquête de pratique de prescription* menée par Capdouleur du 10 janvier au 10 février 2018 parmi 160 vétérinaires ayant répondu, a permis de mieux connaître les habitudes des praticiens concernant la prescription de tramadol et les effets indésirables relevés (10).
Le tramadol peut entraîner de la sédation, des vomissements, de l’agitation, des tremblements, de la dysphorie, des convulsions. Les effets secondaires peu prévisibles dépendent de la quantité de M1 synthétisée par l’animal et de la recapture de la sérotonine.
Dans les faits, la sédation est observée à forte dose, les nausées et vomissements sont peu fréquents et les convulsions très rares.
5 Législation
Le tramadol n’est pas un stupéfiant. Classé en liste 1 des substances vénéneuses, il est prescrit sur ordonnance simple, à priori non renouvelable sauf mention contraire, la quantité maximale délivrée couvre les besoins pour un mois.
Bibliographie Tramadol
1 Kukanich B, Papich M. (2004). Pharmakokinetics of tramadol and the metabolite O- desmethyltramadol in dogs. J Vet Pharmacol Therap, 27, pp. 239-246.
2 Kukanich B. Outpatient Oral Analgesics in Dogs and Cats Beyond Nonsteroidal Antiinflammatory Drugs: An Evidence-based Approach. Vet Clin Small Anim 43 (2013) 1109–1125
3 Beatriz P. Monteiro, Mary P. Klinck, Maxim Moreau, Martin Guillot, Paulo V. M. Steagall, Jean-Pierre Pelletier, Johanne Martel-Pelletier, Dominique Gauvin, Jérôme R. E. del Castillo, Eric Troncy. Analgesic efficacy of tramadol in cats with naturally occurring osteoarthritis. PLoS One. 2017; 12(4): e0175565.
4 Desmeules J, Piguet V, Collart L, Dayer P. (1996). Contribution of monoaminergic modulation to the analgesic effect of tramadol. Br J Clin Pharmacol, 41, pp. 7-12.
5 Minami K, Ogata J, Uezono Y. What is the main mechanism of tramadol? Naunyn Schmiedebergs Arch Pharmacol 2015; 388: 999–1007.
6 KuKanich B, KuKanich K, Black J. 2017. The effects of ketoconazole and cimetidine on the pharmacokinetics of oral tramadol in greyhound dogs. J Vet Pharmacol Ther 40:e54–e61.
7 Giorgi M. et al. Pharmacokinetics of tramadol and metabolites after injective administrations in dogs. Pol J Vet Sci. 2010;13(4):639-44.
8 Vuillet A, Ciles H. et al. Les médicaments de la douleur : les antalgiques de palier II. Actualités Pharmaceutiques. Volume 52, Issue 527, June 2013, Pages 27-30.
9 Thomas DE, Lee JA, Hovda LR. Retrospective evaluation of toxicosis from selective serotonin reuptake inhibitor antidepressants: 313 dogs (2005-2010). J Vet Emerg Med Crit Care 22:676–681, 2012.
10 Chamard V. Le tramadol est une molécule efficace contre la douleur. La semaine vétérinaire. 9 Mars 2018. N° 1754 : p23