Le CBD chez les animaux de compagnie

18 avril 2023

En collaboration avec Doléonat

Particularités du système endocannabinoïde chez les animaux de compagnie

Les vertébrés et les invertébrés (à l’exception des insectes) possèdent comme l’homme un système endocannabinoïde composé d’endocannabinoïdes produits par l’organisme (anandamide, 2-AG), de récepteurs aux cannabinoïdes (CB1 et CB2) et d’enzymes dédiées à leur synthèse et à leur catabolisme. 

Ce système endocannabinoïde est d’une grande importance pour le fonctionnement et l’équilibre de l’organisme (homéostasie) puisqu’il est à la base de la régulation des processus tels que la perception de la douleur, les réactions immunitaires, l’humeur et les émotions, la mémoire et la cognition, la reproduction et la croissance, l’inflammation, la neuroprotection, l’appétit, le sommeil, la peur, etc. (1)

Attention, chez le chien, la densité́ des récepteurs CB1 dans les structures cérébrales dépasse de loin celle de l’homme, notamment dans le cervelet, le tronc cérébral et le bulbe, ce qui pourrait expliquer sa plus grande sensibilité́ au THC (2).

Toxicité du cannabis chez le chien

En 2020, le Centre antipoison animal et environnemental de l’Ouest (Capae-Ouest), installé à Oniris (Nantes), a reçu 7723 appels pour des suspicions d’intoxication chez des chiens et 2 919 appels concernant des chats. Parmi eux, 64 cas d’intoxication au cannabis (dont 47 probables) ont été recensés chez le chien, 11 (dont 7 probables) chez le chat. De même, le Centre national d’informations toxicologiques vétérinaires (CNITV), implanté sur le campus vétérinaire de VetAgro Sup, a reçu à ce jour 3164 cas d’intoxications supposées ou avérées au cannabis (sur 392 602 cas répertoriés). 

L’intoxication du chien par le cannabis est due à une ingestion accidentelle de résine (haschich), de space cake (gâteau récréatif) ou plus rarement liée à une inhalation passive de fumée de cigarettes de marijuana. 

Les signes cliniques, par ordre de fréquence, sont une ataxie (55 %), une léthargie, des signes de dépression, de désorientation (52 %), des vomissements (23 %), une incontinence urinaire (18 %), une hyperesthésie (18 %), des tremblements, fasciculations, convulsions (16 %), une bradycardie (13 %), une hypothermie (11 %), une mydriase (10 %). Ces signes apparaissent au cours des trois premières heures après la prise de cannabis et persistent entre 12 et 72 heures. 

Dans une étude publiée en 2004, après une ingestion orale de marijuana, 213 chiens ont présenté́ des signes neurologiques (99 %) et gastro-intestinaux (30 %) (3). 

La dose toxique chez le chien est de 50 à 100 mg/kg de la plante entière, la dose mortelle de 3 g/kg. Les cas de mortalité́ sont rares et reliés à l’absorption de variétés à fort taux de THC ou d’ingestion concomitante de composés toxiques (chocolat de certains space cakes). 

L’intoxication du chat par le cannabis est moins fréquente : un cas, décrit en 2018, a été confirmé par des concentrations plasmatiques élevées de THC (4). 

Nous avons observé dans notre établissement de soins un cas cliniquement semblable (mydriase, désorientation, forte agitation psychomotrice et séquences d’agression violentes) très probablement lié à l’exposition à la fumée de marijuana, selon les commémoratifs rapportés par le propriétaire.

Particularités pharmacocinétiques du THC et du CBD chez les animaux de compagnie

La biodisponibilité́ par voie orale du CBD est très variable chez le chien (0 à 19 %) et semble améliorée par un excipient à base d’huile (5) (6). L’administration transmucosale est recommandée.

À la dose de 2 mg/kg par voie orale, le CBD a une demi-vie médiane de 4,2 heures. 

Le catabolisme hépatique du THC et du CBD fait intervenir le système enzymatique du cytochrome P450. L’administration concomitante de certains médicaments comme des antibiotiques ou des antifongiques peut entraîner une augmentation des concentrations du THC et du CBD et donc de leurs effets indésirables. 

À l’inverse, des traitements simultanés avec des antiépileptiques ou des produits de phytothérapie (millepertuis) peuvent diminuer l’efficacité thérapeutique. 

L’élimination du THC et de ses métabolites se fait par voie urinaire (20 à 35 %), mais principalement par voie fécale (65 à 80 %) en raison d’un important cycle entérohépatique et de la forte liaison aux protéines plasmatiques.

Perspectives d’indications thérapeutiques du cannabidiol (CBD) en médecine vétérinaire

En médecine vétérinaire, la première étude (Gamble et al.) croisée randomisée en double aveugle versus placebo a été publiée en juillet 2018. Elle rapporte les résultats obtenus, en termes d’efficacité et de sécurité, à la suite de l’administration chez le chien arthrosique de chanvre industriel utilisé, desséché et reconstitué dans de l’huile d’olive (10 mg/ml de cannabidiol (CBD), 0,24 mg/ml de tétrahydrocannabinol (THC), 0,27 mg/ml de cannabichromène (CBC) et 0,11 mg/ml de cannabigérol (CBG) (5). 

Les 22 chiens souffrant d’arthrose ont été recrutés selon des critères radiologiques, des signes de boiterie et de douleur à la palpation des articulations atteintes. Seuls 16 chiens ont terminé l’essai clinique et reçu deux traitements, dans un ordre aléatoire : 2 mg/kg de CBD ou un placebo huileux deux fois par jour pendant trente jours, avec une période de “lavage” (wash out) de quinze jours. 

Les évaluations, via la grille canine brief pain inventory (CBPI : PPS et PSI) et le score de Hudson, ont été menées à J0, J15 et J30. Les scores PSS (pain severity score) et PIS (pain interference score ou score d’interférence de la douleur) ont significativement diminué à J15 et sont restés stables à J30 au cours de la période d’administration du CBD. Les scores PSS et PIS ont légèrement augmenté à J15 et J30, par rapport à J0, au cours de l’administration du placebo huileux. Une hausse significative du score de Hudson (mesure de l’activité) a en outre été observée pendant la période d’administration du CBD. 

En revanche, les scores de boiterie et les réactions à la palpation des articulations arthrosiques effectuée par le vétérinaire sont restés inchangés. Concernant d’éventuels effets indésirables hépatiques, l’élévation des phosphatases alcalines relevée n’est pas associée à une augmentation de l’alanine aminotransférase et des gamma-glutamyl transférases, mais pourrait être reliée aux voies métaboliques des cytochromes P450 (7). 

 

Plus récemment, en 2020, une étude randomisée (Brioschi et al.) s’est intéressée à l’administration transmucosale de cannabidiol (à la dose de 2 mg/kg deux fois par jour) chez 9 chiens présentant des douleurs chroniques arthrosiques, en complément d’un traitement pharmacologique multimodal à base d’anti inflammatoires non stéroïdiens (AINS), de gabapentine ou d’amitriptyline, versus un lot témoin de douze chiens atteints d’arthrose ne recevant que ce traitement (8). 

L’évaluation a été réalisée grâce à la grille CBPI et à un index de qualité́ de vie (QOL) le jour initial, puis tous les sept jours pendant quatre semaines. Le pain severity score (PSS) a diminué significativement dans le groupe recevant du CBD. Le pain interference score (PIS), qui évalue l’interférence avec les activités physiques, était également significativement plus faible dans le groupe CBD. L’index de qualité́ de vie était plus élevé dans le groupe CBD. De plus, dans ce lot, les doses d’AINS ont pu être réduites sans dégradation des scores CBPI et QOL. Compte tenu de l’altération du système cannabinoïde par la cyclooxygénase de type 2 (COX-2), les auteurs préconisent l’association d’AINS et de CBD pour éviter la dégradation des cannabinoïdes en médiateurs proinflammatoires (prostaglandines) (9). 

La pertinence de cette association est renforcée par plusieurs approches expérimentales qui suggèrent l’effet synergique des AINS, des opioïdes et des cannabinoïdes sur les contrôles inhibiteurs descendants issus de la moelle épinière et du tronc cérébral, grâce à l’inhibition de la libération de l’acide gamma-aminobutyrique (Gaba) et au renforcement du système noradrénergique (10). 

 

Une dernière étude randomisée en double aveugle (Verricho et al.), publiée en septembre 2020, a évalué chez 20 chiens souffrant d’arthrose, à l’aide de la grille validée d’Helsinki, l’administration de cannabidiol pendant trente jours, avec ou sans formulation liposomale versus placebo (6). 

Les scores Helsinki à J0, J30 et J45 n’ont pas évolué favorablement dans le groupe placebo (huile de coco) et le groupe CBD (20 mg/j) non encapsulé. En revanche, ces scores se sont significativement améliorés dans le groupe CBD (50 mg/j) non encapsulé et le groupe CBD (20 mg/j) encapsulé. 

D’autres études vétérinaires plus récentes ont tendance à montrer les effets bénéfiques du CBD sur la douleur mais elles émanent pour la plupart de revues prédatrices, ne respectant pas les principes du peer-review (révision du travail par des experts) et révélant finalement des objectifs plus commerciaux que scientifiques.

Les effets anxiolytiques du CBD chez l’animal ont été rapportés dès 2012 dans un article qui s’est intéressé à ces propriétés à la fois chez l’Homme et chez divers modèles animaux (rats et souris). Il mentionne des preuves solides montrant l’implication du système sérotoninergique dans l’action anxiolytique du CBD. Les auteurs précisent que cette action anti-stress ne s’accompagne d’aucun effet psychoactif et n’affecte pas la cognition (11). 

Le postulat est qu’en diminuant le ressenti émotionnel négatif de la douleur, le cannabis limite l’anxiété et la dépression associées, améliore le sommeil et corrige ainsi le catastrophisme, c’est-à-dire les pensées pessimistes des patients (ou des propriétaires d’animaux douloureux). Les résultats sont beaucoup plus modestes pour les douleurs nociceptives et nociplastiques rencontrées dans les douleurs musculosquelettiques comme l’arthrose ou la fibromyalgie. Des études complémentaires sont encore nécessaires.

1 Venance L, Maldonado R, Manzoni O. Le système endocannabinoïde central. Med. Sci. (Paris). 2004;20(1):45-53. 

2 Herkenham M, Lynn AB, Little MD et coll. Cannabinoid receptor localization in brain. Proc. Natl. Acad. Sci. USA. 1990;87:1932-1936. 

3 De Lorimier P. Cannabis medical et animaux de compagnie: le pot aux roses? 

30e congrès de l’Association des médecins vétérinaires du Québec (AMVQ), Montréal 2018. 

4 Devinsky O, Cilio MR, Cross H et coll. Cannabidiol: pharmacology and potential therapeutic role in epilepsy and other neuropsychiatric disorders. Epilepsia. 2014;55(6):791-802. 

5 Gamble LJ, Boesch JM, Frye CW et coll. Pharmacokinetics, safety, and clinical efficacy of cannabidiol treatment in osteoarthritic dogs. Front. Vet. Sci. 2018;5:165 

6 Verricho DC, Wesson S, Konduri V et coll. A randomized, double-blind, placebo- controlled study of daily cannabidiol for the treatment of canine osteoarthritis pain. Pain. 2020;10:1097. 

7 Cital S. Cannabis science and technology. Mars-avril 2019;2(2). 

8 Brioschi FA, Di Cesare F, Gioeni D et coll. Oral transmucosal cannabidiol oil formulation as part of a multimodal analgesic regimen: effects on pain relief and quality of life improvement in dogs affected by spontaneous osteoarthritis. Animals (Basel). 2020;10:1505. 

9 KozakKR,CrewsBC,MorrowJDetcoll.Metabolismoftheendocannabinoids, 2-arachidonylglycerol and anandamide, into prostaglandin, thromboxane, and prostacyclin glycerol esters and ethanolamides. J. Biol. Chem. 2002;277:44877-44885.

10 Vanegas H, Vazquez E, Tortorici V. NSAIDs, opioids, cannabinoids and the control of pain by the central nervous system. Pharmaceuticals (Basel). 2010;3:1335-1347. 

11 Mello Schier et al. Cannabidiol, a Cannabis sativa constituent, as an anxiolytic drug,, Rev. Bras. Psiquiatr. vol.34 supl.1 São Paulo June 2012. 

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